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Le premier tableau représente le chauffoir du couvent de Saint-Denis dans la seconde moitié du XVIIIe siècle. Dans cette salle, l’une des seules à être chauffée, les religieuses se réunissaient deux fois par jour pour le moment de la récréation (une heure en fin de matinée et en fin d’après-midi). C’étaient les seuls moments où elles pouvaient discuter entre elles ; le reste du temps, elles étaient tenues par le vœu de silence. Les sœurs novices, reconnaissables à leur voile blanc surmontant la toque (ou guimpe) en toile blanche, enveloppant la tête et faisant plastron, côtoyaient les professes, reconnaissables à leur voile noir.

La période du noviciat succède au postulat et dure deux ans. Elle est marquée par la prise de l’habit, et par un approfondissement de la formation carmélite et de la spiritualité individuelle, en vue de confirmer une entrée définitive au Carmel. Les professes, quant à elles, ont terminé leur formation et leur intégration. Elles ont donc fait le choix de se dévouer corps et âme à l’ordre du Carmel.

Si la récréation constituait un moment de loisir, elle ne devait pas favoriser l’oisiveté, considérée comme un péché. Outre la lecture, les religieuses s’adonnaient donc à de multiples tâches. Sur le tableau sont surtout représentées des religieuses couturières, occupées au filage de la laine, au tricot et à des raccommodages divers à l’aide de rouets, fuseaux, quenouilles et aiguilles. Lors de la récréation, les religieuses pouvaient ainsi confectionner des pièces de dentelles, des sandales ou des brocards, nécessaires à leur habillement pour les tâches quotidiennes ou pour les offices religieux, mais aussi d’autres objets accompagnant concrètement leur engagement spirituel, tels que des chapelets, accrochés comme ici à des ceintures de cuir à grosse boucle, ou des ornements d’église.

Le tableau de Guillot permet également de présenter un événement historique et biographique. Remarquez les deux jeunes filles à gauche, apprêtées en costume civil. Il s’agit de deux jeunes postulantes à l’entrée au Carmel. En rose, il s’agirait de Louise de France qui entre au carmel en 1770. En vert, serait représentée la future sœur Adélaïde, fille d’un laboureur entrée au couvent le même jour que la princesse. Les deux jeunes filles reçoivent du linge et sont accompagnées de deux professes. Le postulat constitue une étape de transition dans la vie d’une future carmélite. Il s’agit d’un point de passage entre le monde civil et l’entrée proprement dite dans l’Ordre du Carmel dont la formation débute avec le noviciat (moment de la prise de l’habit). Il correspond aux trois premiers mois vécus au Carmel, durant lesquels la jeune postulante découvre l’environnement où elle s’apprête à vivre et à s’investir. C’est aussi une période cruciale durant laquelle sa foi et son engagement envers Dieu, selon la règle du Carmel, sont éprouvés afin de permettre à la jeune fille de prendre sa décision : celle d’entrer définitivement au Carmel ou d’y renoncer. Durant toute cette période, la postulante garde ses habits civils et poursuit une initiation dans différents domaines : « la prière, la liturgie, l’Ecriture Sainte, la vie religieuse, la Règle, la spiritualité carmélitaine et les emplois » pour la vie matérielle du couvent, comme l’indique encore aujourd’hui le site officiel du Carmel de Verdun. Ici, la jeune Louise de France est représentée en train de lire une partition de musique, probablement un chant religieux à mémoriser qui rythmera ses journées.

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Le chauffoir reste sobre dans sa décoration, en accord avec la sévérité de la doctrine carmélite. Néanmoins, les figures religieuses sont présentes et donnent une résonance spirituelle aux tâches matérielles quotidiennes à accomplir. On remarque des tableaux religieux aux murs et entre les fenêtres, représentant des saints et des épisodes majeurs de l’Histoire de l’Ordre des carmélites. De même, un grand crucifix est accroché au-dessus de la cheminée.

Laurent Guillot, Le chauffoir, après 1770, huile sur toile, Musée d’art et d’histoire de Saint-Denis.
(Zooms ci-dessous,
© Musée d’art et d’histoire de Saint-Denis / Flora Duret.).
 

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