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Education et travail : le statut des femmes sous le Directoire et le Premier Empire

 

Sous Napoléon Bonaparte,  le Code Civil institue « le statut inférieur » de la femme. Tout est mis en œuvre pour balayer les acquis révolutionnaires et pour rendre les femmes totalement dépendantes de leurs pères ou de leurs maris.  Un domaine est particulièrement touché : celui de l’instruction. Napoléon souhaite éloigner les femmes de tout mode d’éducation. En 1801, il déclare au Conseil d’Etat : « Je ne pense pas qu’il faille s’occuper d’instruction pour les jeunes filles ; elles ne peuvent être mieux élevées que par leurs mères. ». Des projets d’éducation, comme la loi Chaptal, ne concernent que l’apprentissage contrôlé des jeunes garçons. A l’Eglise et aux familles d’éduquer ces jeunes filles afin de leur permettre de devenir de bonnes ménagères, épouses et mères. En 1807, l’Empereur s’adresse  aux religieuses des maisons d’éducation en ces termes : « Elevez-nous des croyantes et non des raisonneuses » afin de « maîtriser la vanité qui est la plus active des passions du sexe [féminin]». L’espace domestique, les usines « féminines » (telles les blanchisseries ou l’industrie textile), les champs ou encore les lieux de prostitution, restent leurs espaces de travail – toutefois toujours contrôlés d’une main de fer par les hommes et réglementés par la loi. Cette politique est poursuivie sous la Restauration.
 

​​Politiques d’éducation : de la monarchie de Juillet à la fin du siècle


Dans les années 1830-40,  certaines manifestations de femmes interpellent la Chambre des députés : des femmes souhaitent faire évoluer leur statut qui les cantonne à la sphère domestique. Elles dénoncent également l’absence d’instruction. Même si une ordonnance de 1836 envisage un enseignement primaire pour les filles, aucun droit nouveau ne leur est accordé. Le Second Empire va au contraire favoriser l’accès des femmes à l’éducation. Après la loi Falloux promulguée en 1850 sous la seconde république, la loi Duruy de 1867 prévoit ainsi la création d’écoles primaires pour filles dans chaque commune de plus de 500 habitants. Près de deux tiers des filles sont alors scolarisées (pour la plupart d’entre elles dans des établissements dirigés par des couvents ou des congrégations) et un programme obligatoire est fixé en fonction du rôle social accordé aux femmes. Celui-ci comprend l’apprentissage de la lecture, de l’écriture, du calcul, mais aussi d’une éducation morale et religieuse, ces derniers complétés de « travaux d’aiguilles ».

La troisième République marque un tournant. Sous l’impulsion de Jules Ferry, les lois scolaires de 1881-1882 instituent pour les filles, le même enseignement primaire que les garçons, gratuit et obligatoire de 6 à 13 ans. Ces mesures tendent implicitement à retarder l’entrée  des femmes dans la vie active. Néanmoins,  l’obligation scolaire n’est pas forcément respectée dans les milieux populaires. De même, en 1880, sont institués des lycées de jeunes filles, avec des matières toujours calquées sur leur statut social de femme. On apprend dorénavant l’économie domestique, mais aussi la musique. Ces programmes ne visent pas à préparer les jeunes filles au baccalauréat, mais à un simple diplôme de fin d’étude.
De ce fait, la présentation au baccalauréat, ainsi que l’accès à l’université, étaient souvent impossibles pour les femmes. Ces derniers requéraient la maîtrise de certains enseignements dispensés uniquement dans le cursus masculin. Toutefois, quelques établissements dérogeaient à la règle en proposant des enseignements, comme le latin ou le grec. Seules quelques rares jeunes filles purent en bénéficier.


 

Le monde ouvrier : de la monarchie de Juillet à la fin du siècle

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La période d’insurrection révolutionnaire, amenant la Monarchie de Juillet, est motivée par un cri du peuple, à la fois bourgeois et ouvrier, soucieux de renverser les classes aristocratiques et d’améliorer ses conditions de vie. Confrontés aux débuts de la révolution industrielle, certains travailleurs miséreux, comme les Canuts de Lyon, se révoltent. Ils  interviennent dans les débats politiques pour revendiquer de nouveaux droits : un salaire minimum, une nouvelle organisation du travail, etc. La presse s’intéresse également au cas des ouvrières : celles-ci s’émancipent de plus en plus en s’impliquant dorénavant dans l’action sociale et politique. Elles soutiennent leurs homologues masculins et revendiquent de meilleures conditions de travail. Si les hommes obtiennent parfois des avancées, la réciprocité n’est pas toujours de mise. De plus, les premières grèves de femmes ne sont jamais soutenues publiquement par les hommes. La femme de lettres et militante socialiste féministe, Flora Tristan, s’implique dans le mouvement ouvrier naissant en réalisant un tour de France pour rencontrer les travailleurs. Elle souhaite améliorer le sort des ouvrières et dénonce leur double exploitation : la femme qui travaille à l’usine est « la prolétaire du prolétaire ». Malgré sa popularité, ses idées ne sont pas comprises par l’opinion publique.

Pourtant, depuis 1806, les femmes participent massivement à l’industrialisation. Celles-ci sont présentes dans tous les secteurs, y compris les plus difficiles comme les mines (même si les médecins affirment farouchement que cela est incompatible avec leur « nature »). Dans ces milieux, elles ne sont cependant pas considérées comme des ouvrières à part entière, mais comme des épouses d’ouvriers. Un statut qui choque et qui pose problème aux hommes, qui voient en cette main-d’œuvre payée moitié prix une réelle concurrence : « Ouvrière, mot impie, sordide » écrira Jules Michelet en 1859.

 

C’est aux pères de famille de subvenir aux besoins des siens. Encadrées par des hommes, les femmes sont ainsi cantonnées à des travaux d’exécution, dévalorisées et mal payées, et ce même en partageant les mêmes conditions de travail : 10h de labeur par jour, épuisement et usure des corps, accidents, maladies, puis les grossesses, les fausses couches, la charge du foyer (repas, enfants, linge).  Les femmes, tout comme les hommes, entrent très jeunes à l’usine. Elles subissent à cette période un harcèlement sexuel presque systématique.  Pour contrer ce comportement jugé immoral, mais toléré (il existe un droit de cuissage du patronat), un système d’usines-couvents se développe à partir de 1835. Il perdure jusqu’en 1880. Sa mission consistait à recruter des jeunes femmes issues de la paysannerie ou de l’orphelinat. Celles-ci étaient alors enfermées et associaient la prière au travail. Les conditions de vie y étaient difficiles : les femmes étant regroupées dans un même espace pour manger et dormir, les maladies se propageaient rapidement. N’ayant pas le statut de salariées, elles sont rémunérées par des primes et une dot remise à leur sortie de l’usine en vue d’un prochain mariage. 

Théophile-Alexandre Steinlen, La rentrée des ouvrières, Musée d'art et d'histoire de Saint-Denis 

 

n°d'inv. NA 4405

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© Musée d’art et d’histoire de Saint-Denis

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