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Alors que les grands encyclopédistes revendiquent une diffusion massive d’une éducation laïcisée et généralisée, les femmes ne semblent pas réellement concernées par ce projet, tout comme les gens de couleur ou les plus pauvres. D’ailleurs, peu d’entre elles participent à la rédaction de l’Encyclopédie sous la direction de Diderot et d’Alembert. Pourtant, les artistes de cette seconde moitié du XVIIIe siècle tendent à nous montrer de plus en plus de jeunes filles en train de lire. Cependant, il ne s’agit pas d’une vision fidèle de la réalité, mais plutôt d’un sujet de représentation élaboré par les Lumières, visant à donner l’illusion d’une libération de la femme. En effet, il n’existe pas, dans la société de l’époque, de système scolaire homogène : une réticence à éduquer les jeunes filles « comme les garçons » persiste.      

L’objectif premier de l’instruction des jeunes filles est de leur enseigner la bonne vertu et la moralité afin qu’elles l’enseignent aux hommes et aux enfants. Il s’agit de façonner et d’imposer une discipline comportementale fondée sur les bonnes mœurs et la dévotion. L’Église catholique et ses préceptes accompagnant tous les actes de la vie sociale, l’apprentissage de la religion reste ainsi prépondérant dans l’instruction dispensée.  


                 

Néanmoins, il est nécessaire qu’une jeune fille maîtrise également des savoirs élémentaires, comme l’abécédaire, la lecture, l’écriture ou encore le calcul. Cependant, les lectures pieuses imposées empêchent parfois un approfondissement de ces notions.

 

Les jeunes filles doivent aussi recevoir un savoir spécifique (des petites sciences ou des petits métiers) qui peuvent convenir à leur sexe et à leurs « facultés naturelles » : l’instruction doit leur permettre d’être formées à la couture par exemple.

 

De même, il est appréciable qu’elles aient des aptitudes de gestion pour les tâches quotidiennes, notamment dans les zones rurales. Les jeunes filles sont instruites pour réaliser directement des tâches utilitaires variables, selon leur statut social : travaux domestiques d’auxiliariat, aide à la production agraire ou représentation mondaine. Dans ce dernier cas, un bon esprit pour devenir une parfaite maîtresse de maison est attendu. Si la faculté de raisonner  est désormais reconnue aux femmes, elles ne doivent pas le faire savoir ouvertement : discrétion et modestie sont de mise.

 

Les jeunes aristocrates ont le privilège de recevoir parfois une éducation artistique : les disciplines enseignées sont le dessin et la musique par exemple.   

 

Les privilèges masculins restent incontestés et ancrés au sein de la société. Les revendications en faveur des femmes ne trouvent guère d’échos et n’ont pas d’effet sur l’évolution des pratiques éducatives.

 

De même, l’évolution du secteur professionnel tend à isoler davantage les femmes dans des tâches stéréotypées. En 1776, Turgot (à cette époque contrôleur général des finances de Louis XVI) réorganise les corporations de métiers. Il veut dorénavant protéger les femmes des travaux pénibles dans lesquels elles s’illustraient au même titre que les hommes. Les nouvelles artisanes travaillent désormais dans des secteurs comme la coiffure ou la confection. La plupart du temps, les femmes restent cantonnées aux seules tâches domestiques.

Charles-Nicolas Cochin, d'après le dessin de Charles Natoire, Ragionamenti su la pluralità del' mondi, traduction italienne du livre de Fontenelle (Entretiens sur la pluralité des mondes), 1748, gravure, Bibliothèque Nationale de France, Paris.

 

n° d'inv. Réserve des livres rares, R-13652.

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Ce frontispice représente une "marquise" couronnée par la Renommée s'adonnant aux sciences, entourée d'angelots dépités de voir qu’elle a renoncé à la parure (boîte à bijoux et dentelle) et les futilités (rubans). Installée sur une terrasse et assise devant une table sans écritoire, la jeune femme feuillette d’épais volumes et  consulte une mappemonde. On remarque une palette et une harpe à ses pieds démontrant qu’elle s’adonne également à la musique.

Il s’agit d’une vision positive de la femme, déterminée à s’émanciper par l’apprentissage. Néanmoins, le person-nage rappelle que ce privilège était davantage accordé aux jeunes femmes issues de l’aristocratie ou de la haute bourgeoisie.

© Bibliothèque Nationale de France

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