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Description 

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Louise Michel est représentée au centre de la lithographie. Dix ans après la Commune, elle incarne la nouvelle figure de la Vierge. Ses cheveux bouclés détachés volent au vent et l’écharpe rouge de la Commune flotte sur son épaule. Elle est vêtue de blanc, symbole de paix et de pureté, peut-être en référence à son surnom de « Vierge Rouge». Lui faisant cortège dans les nuages, différents personnages sont représentés, démesurément petits par rapport à elle.

Dans la partie supérieure, se trouvent des crânes vêtus du casque bleu et rouge des Communards. Il s’agit d’une représentation des partisans de la Commune morts au combat, probablement lors de la Semaine sanglante. Victimes de la répression du gouvernement d’Adolphe Thiers, ils font figure de martyrs de l’engagement communard. Des trous figurent sur certains crânes : ce sont les souvenirs des impacts de balles. Ces crânes sont ailés, tels des angelots, motifs traditionnels des peintures religieuses. Non sans ironie macabre, la présence d’ailes véhicule l’idée d’un accès au paradis pour les Communards, malgré leur combat anticlérical.

Dans la partie inférieure, quatre héros de la Commune sont représentés en angelots, avec pour seul vêtement un tissu rouge, écharpe de la Commune ou morceau de son drapeau. Il s’agit d’Alphonse Humbert, Alexis Trinquet, Olivier Pain et Jules Vallès. (De gauche à droite) 

Demare Henri, La Vierge au chat, 1881-1883, lithographie, Musée d'art et d'histoire de Saint-Denis.

 

(n° inv 2012.0.295.49)

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© Musée d'art et d'histoire de Saint-Denis

Contexte historique 

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Louise Michel fut surnommée « La vierge rouge » en référence à la couleur emblématique du combat des Communards, auquel elle s’est identifiée. Marquée par la misère dans le quartier ouvrier de Montmartre, elle répandait la parole révolutionnaire à l’église Saint-Bernard-de-la-Chapelle, déchirait ses vêtements pour les donner aux ouvriers souffrant du froid, cherchait à sauver les jeunes filles de la prostitution et à créer une école pour les exclus de Paris. Son engagement en faveur de l’instruction des plus pauvres et de l’éducation des femmes l’a poussée à se dresser contre les autorités. Au sein de la Garde nationale de la Commune, elle prit les armes et participa notamment à la bataille d’Issy contre les Versaillais, en avril-mai 1871.

Analyse iconographique 

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Les angelots aux pieds de Louise Michel : 

Alphonse Humbert, à gauche, était un journaliste et homme politique, déporté en Nouvelle-Calédonie après la Commune. Il est représenté tenant à la main droite une plume qui devient une flèche, symbole de l’engagement. Dans la main gauche, il tient un livre sur lequel est écrit « Bagne », en référence à sa déportation. Olivier Pain est lui aussi représenté avec une « plume-flèche ». Pendant la Commune, il signa un article dans le quotidien L’Affranchi qui prônait la vengeance contre les crimes des Versaillais. Pendant la semaine sanglante, il fut blessé à sept reprises sur la barricade du Château d'eau et fut finalement arrêté à Rouen le 27 juillet 1871. Jules Vallès a lui aussi pour arme une flèche ainsi qu’un livre et un encrier. Il a créé le journal communard Le Cri du peuple. Alexis Louis Trinquet, quant à lui, était un élu du Conseil de la Commune et un membre de la Garde nationale. Il a été envoyé au bagne et condamné aux travaux forcés à perpétuité. Il est ici représenté la chaîne et le boulet au pied, en référence au fait qu’il portait une chaîne double au bagne.

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Le « chat » : D’après une anecdote, Louise Michel, qui appréciait beaucoup les chats, aurait demandé aux Communards de cesser les tirs sur les barricades pour sauver un chaton, au péril de sa vie, alors que fusaient les balles des Versaillais. Le chat prend ici le traits d’Henri Rochefort, journaliste, dramaturge et homme politique, qui avait défendu la Commune et s’était distingué par ses positions anticléricales radicales. Envoyé au bagne de Nouméa dans le même convoi que Louise Michel, il s’en échappa et correspondit avec elle, en échangeant à l’occasion des poésies. Rochefort semble ici s’agripper à Louise Michel et lui murmurer à l’oreille, telle la figure du conseiller ou de l’inspiration. Une auréole se trouve au-dessus de sa tête.

Commentaire 

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La caricature, par son titre même, joue avec les représentations traditionnelles de la Vierge à l’Enfant, où figure parfois un chat au pied des personnages sacrés (par exemple dans la sculpture de La Vierge au chat de Jacques Du Broeucq). Mais ici, c’est l’Enfant Jésus en personne qui est remplacé par un chat, animal souvent associé à la luxure et à la tentation. La forte charge anticléricale est accrue par la formule au bas de la page :  « Sainte-Mère Louise Michel ayez pitié de nous », formule évidemment ironique puisque Louise Michel s’opposait à la religion. La représentation de Louise Michel n’est pas sans évoquer celle de Marianne dans La Liberté guidant le peuple de Delacroix (1830, Musée du Louvre). Louise Michel incarne ainsi le combat des Communards qu’elle semble guider vers un possible salut, teinté cependant d’ironie ou de désillusion.

Le serpent : Léon Gambetta, chef du parti de la gauche modérée L’Union républicaine, est représenté en serpent à sonnette, figure de la trahison dans la Bible. Il meurt en 1882, année de conception de cette lithographie. Le bruit court qu’il aurait succombé aux suites d’une blessure après avoir manipulé une arme à feu, ce qui était faux. En raison de ces rumeurs, Louise Michel est parfois comparée à la célèbre révolutionnaire Charlotte Corday : de même que cette dernière avait tué Marat dans sa baignoire en 1793, Louise aurait tué Gambetta car il n’aurait pas respecté son programme électoral dit « programme de Belleville ». Gambetta devient alors, dans cette caricature, la figure du parjure. Il a les cornes du Diable sur la tête et le substantif « Opportunisme » est écrit sur la peau du serpent. Louise Michel le piétine comme la Vierge écrase le serpent tentateur dans les images religieuses.

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