top of page

«  […] Les hommes et les femmes étant de même nature et de même constitution sont susceptibles des mêmes défauts, des mêmes vertus et des mêmes vices. »

Louise d’Epinay, Lettre à l’abbé Galiani, 1792.       

Les femmes les plus cultivées se trouvaient dans les couvents. Éloignées des devoirs de la conjugalité, elles pouvaient davantage se consacrer à l’étude dans leurs cellules et  s’exprimer dans des écrits. Les religieuses pouvaient également diffuser le savoir dans les parloirs et se tenaient au courant des nouvelles du monde.  

Seules quelques femmes « savantes » et laïques, de sciences ou de lettres, ont su s’imposer dans les cercles intellectuels de l’époque et restent mémorables. L’instruction et l’accès au pouvoir politique étaient limités. Les femmes devaient acquérir des connaissances culturelles et scientifiques en autodidactes, en empruntant des ouvrages en bibliothèque ou en fréquentant des lieux privilégiés lorsque leur condition sociale le permettait, comme les salons ou les cafés littéraires. Néanmoins ces lieux restaient difficiles d’accès. De même, il n’existait pas d’espaces personnels de travail pour les femmes et il était très difficile pour elles de posséder ne serait-ce qu’un bureau pour pouvoir écrire.           


 

Anicet Charles Gabriel Lemonnier, Lecture de la tragédie de Voltaire, l’Orphelin de la Chine, dans le salon de Mme Geoffrin en 1755, 1812, huile sur toile, Musée national du Château de Malmaison.


Madame Geoffrin (née Marie-Thérèse Rodet) est une des rares femmes à avoir ouvert un salon en étant issue de la petite bourgeoisie. Elle reçut une éducation sommaire mais apprit l’art de la conversation aux côtés de sa grand-mère. C’est par un mariage fructueux avec le lieutenant-colonel Geoffrin qu’elle connut la richesse.  Elle forma alors son esprit en côtoyant les personnalités fréquentant le salon de Mme de Tencin. Elle ouvrit ensuite son propre salon dans son hôtel rue Saint-Honoré qu’elle anima de 1749 à 1777. Elle y reçut gens de lettres, philosophes et savants tels que Diderot, Voltaire et d’Alembert. Elle permit également la diffusion des idées des Lumières en Europe via ses correspondances avec les rois Gustave III de Suède et Stanislas II de Pologne ou encore la reine Catherine II de Russie.

Ce tableau, commandé en 1812 par Joséphine de Beauharnais pour orner le château de La Malmaison, est un faux historique. Le peintre a en effet imaginé une réunion de toutes les célébrités qui auraient pu fréquenter le salon. Madame Geoffrin est représentée à droite au premier rang.

​

© Réunion des Musées Nationaux

Ces quelques femmes, pour la plupart aristocrates et issues de la haute société parisienne, avaient réussi le pari de sortir de l’assujettissement domestique sans enfreindre les codes de la bienséance féminine (modestie, convivialité, discrétion, élégance, etc.).

Certaines profitaient de leur statut de veuves ou d’épouses « séparées ».

Néanmoins, si elles souhaitaient conserver une vie mondaine, développer un esprit critique et publier devenait parfois risqué.

En effet, ces « nouvelles » personnalités inattendues pouvaient se confronter au discrédit, voire à la satire.

Peu d’entre elles furent respectées et admirées pour leurs savoirs. 

Des femmes comme Madame Geoffrin,  la duchesse du Maine, Emilie du Châtelet, la marquise de Créqui, Julie de Lespinasse, Madame du Deffrand ou encore Madame de Tencin réussirent toutes à ouvrir un salon où elles animèrent conversations intellectuelles et autres débats philosophiques et politiques. S’y réunissaient écrivains, philosophes, scientifiques mais aussi financiers, aristocrates et hommes politiques (parfois étrangers) pour échanger sur des sujets d’art et de société.

​

Jean-Etienne Liotard, Portrait de Madame Denis-Joseph La Live d'Epinay, née Louise-Florence-Pétronille de Tardieu d'Esclavelles, dite Madame d'Epinay (1726-1783), v. 1759, pastel sur parchemin, Musée d'art et d'histoire de Genève.

 

n° d'inv. Cabinet d'arts graphiques, 1826-0007.

​

Femme de lettres et amie de Rousseau, elle s’intéressa beaucoup à la thématique de la maternité et aux méthodes d’éducation des enfants. Elle anima deux salons : un à Montmorency puis un autre à Paris où elle reçut les grands esprits du siècle : D’Alembert, Marivaux, Montesquieu, Diderot, Saint-Lambert, etc.
 

© Musée d'art et d'histoire de Genève / Bettina Jacot-Descombes, 

Marianne Loir, Portrait d’Emilie du Châtelet, v. 1748, huile sur toile, Musée des Beaux-Arts de Bordeaux.

La marquise du Châtelet (1706-1749), érudite, était une femme de sciences (physicienne et mathématicienne reconnue) mais aussi une actrice et femme de lettres (auteure d’ouvrages philosophiques et traductrice de traités scientifiques notamment). Elle fut l’amie et l’amante de Voltaire.

Ce portrait permet également d’évoquer la condition de la femme artiste telle Marianne Loir (auteure de ce tableau qui fut membre de l’Académie des Beaux-Arts de Marseille, fait rare), Elisabeth Vigée-Lebrun ou précédemment Marguerite Gérard qui furent reconnues par leurs pairs.

Les Beaux-Arts restent un milieu d’hommes sous l’Ancien Régime. Ces femmes -pourtant cultivées- y étaient parfois durement critiquées ou écartées de certaines institutions. Peu de maîtres ouvrent les portes de leurs ateliers aux femmes afin de leur dispenser un enseignement. Certains comme De Troy, Boilly, Vernet, Fragonard et David dérogent à la règle.

​

© Musée des Beaux-Arts de Bordeaux

bottom of page