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Naissance de l’ordre du Carmel

 

C’est au milieu du XIIe siècle que naît la première communauté du Carmel. Des ermites, s’inspirant du prophète Elie, se regroupent pour mener une vie communautaire à la recherche de Dieu, dans les grottes du mont Carmel, sur la côte de l’actuel Israël. A l’origine, les communautés étaient constituées uniquement d’hommes, formant l’Ordre des carmes.

 

Au début du XIIIe siècle, le patriarche de Jérusalem leur édicte  une règle de vie composée de quelques thèmes majeurs, tirés de la Bible et centrés sur la prière. Cette dernière est considérée comme un moyen privilégié pour vivre dans la dépendance de Jésus et pour le servir fidèlement. C’est lors de son retour de croisade, au XIIIe siècle, que le roi français Louis IX (saint Louis) introduit l’Ordre à Paris. En effet, la reconquête de la Terre Sainte par les Sarrasins a contraint les Chrétiens occidentaux à se retirer.

 

De retour en Europe, ils constituent de petites communautés au service de la prédication dans les villes. Des femmes, proches de ces communautés de frères, sont alors attirées par leur vie de prière. Elles fonderont à leur tour des communautés dites de carmélites.

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Dans la seconde moitié du XVe siècle, les premiers monastères de carmélites apparaissent aux Pays-Bas. Le mouvement se répand ensuite en Italie, en Espagne et en France. Lors de cette expansion, la règle devient plus rigoureuse. Au XVIe siècle, malgré les tourments provoqués par les guerres de religion puis par les réformes du Concile de Trente, deux grandes figures marquent l’histoire de l’Ordre du Carmel en Espagne : Thérèse d’Avila (1515-1582) et Jean de la Croix (1542-1591). Ces figures vont renouveler les notions de prière et de pauvreté au sein de l’Ordre, en prônant et en menant une vie d’humilité et de réclusion.

 

Sous l’impulsion de Barbe Acarie (devenue Marie de l’Incarnation), le premier carmel français est fondé à Paris, Faubourg Saint-Jacques, en 1603-1604. Le mouvement s’étend rapidement : à la fin du XVIIIe siècle, il existe sur le territoire français soixante-quatorze carmels féminins et soixante-sept couvents de carmes.

La règle

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Les carmes/les carmélites se mettent dans la dépendance complète de l’enseignement du Christ en suivant une règle de vie stricte, instituée dès la création des premiers couvents. Afin que cette règle soit respectée, ils/elles élisent un/e prieur/e parmi eux, à la majorité ou à l’unanimité. Celui-ci/celle- ci doit montrer l’exemple et les frères/sœurs lui promettent obéissance. Ils/elles font vœu de chasteté et de pauvreté, renonçant à la propriété individuelle. Tout est partagé par le/la prieur/e, en fonction des nécessités collectives et des besoins de chacun/e.

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La communauté doit choisir un lieu pour s’y établir et y pratiquer la règle. Les frères/sœurs bénéficient chacun/e d’une cellule séparée, attribuée par le/la prieur/e. Ils/elles doivent y méditer jour et nuit sur la Loi du Seigneur et y prier, à moins qu’ils/elles ne soient appelé-e-s à accomplir d’autres tâches.

 

Mais ils/elles ne vivent pas séparé-e-s les un-e-s des autres. Ils/elles se retrouvent chaque matin dans l’oratoire pour écouter la messe et prennent leurs repas ensemble au réfectoire, en silence, en écoutant la lecture d’un passage de la Bible. Le dimanche, des réunions sont organisées pour relever les fautes et les manquements à la règle.

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Le silence est important dans la vie des carmes/carmélites. Il doit être respecté de la fin des complies (dernière prière de la journée après le coucher du soleil) jusqu’à la prime du jour suivant (première prière de la journée après le lever). Si la parole est parfois autorisée, elle doit toujours être pesée pour ne pas devenir un péché.

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Le jeûne tient également une place essentielle, en particulier pendant le Carême (de la fête de l’Exaltation de la Sainte-Croix jusqu’au jour de la Résurrection du Christ, excepté le dimanche). Les prières étaient adressées à Dieu afin de sauver les hommes du péché. Les carmes devaient également prêcher la parole du Seigneur.

 

L’objectif est de bannir l’oisiveté du couvent afin de ne pas attirer le Diable. Pour ne pas être tenté-e- s, les frères/sœurs sont donc constamment occupé-e-s à des travaux au service de la communauté ou du peuple, auprès duquel ils/elles doivent prêcher l’Evangile.

Le carmel de Saint-Denis

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La ville de Saint-Denis connut plusieurs siècles d’opulence, grâce à sa proximité avec la capitale et à sa nécropole royale, avant d’être ruinée par la guerre de Cent Ans qui opposa la France et l’Angleterre. A la fin de ce conflit, en 1453, le roi Charles VII et son fils Louis XI promirent des privilèges à ceux qui s’installeraient de nouveau à Saint-Denis. Mais un siècle plus tard, en 1567, au cours des guerres de religion, la ville fut mise à sac par les Huguenots.

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Après l’avènement d’Henri IV, on entreprit d’importants travaux de reconstruction. De vastes espaces furent accordés à l’abbaye pour son extension et de nouvelles communautés religieuses s’établirent dans la ville. En 1625, environ 10% de la population appartenait à une communauté religieuse, dont une communauté de carmélites. A cette époque, sous la direction du cardinal de Bérulle, quelques carmélites eurent la charge de construire à Saint-Denis le trente-septième couvent de cet Ordre en France. Celui-ci devait être situé au sud de l’abbaye, à l’intérieur de l’enceinte urbaine. Le terrain s’étendait jusqu’à la muraille, au sud, près de la porte de Paris, et il rejoignait le clos de l’abbaye à l’est.

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Les bâtiments sont situés le long d’un chemin pavé allant de Saint-Denis à Paris, près de la place aux Guesdes (actuelle place de la Résistance). Le coût du bâtiment est en partie financé par les dots des sœurs et par les libéralités de quelques familles nobles. En 1628, Marie de Médicis pose la première pierre de la chapelle, qui est achevée en 1651. Entre 1780 et 1784, elle est remplacée par une seconde chapelle de style néo-classique, sur les plans de Richard Mique. Il ne reste malheureusement plus trace aujourd’hui de la première chapelle.

Les bâtiments du carmel s’organisaient autour de deux cours, dont l’une située au nord de cette première chapelle. Ils n’avaient qu’un étage, réservé au dortoir et à l’infirmerie. Les cellules étaient desservies par un couloir qui rejoignait l’infirmerie. Au-dessus, les combles étaient éclairés par des lucarnes.

 

Au rez-de-chaussée, se trouvaient la salle du chapitre et le réfectoire. Les autres salles communes étaient disposées autour des galeries du cloître, incorporées au bâtiment. Le couvent possédait aussi un vaste jardin pourvu d’oratoires et comprenant des parterres de fleurs, des allées d’arbres d’agrément, un potager et un verger.

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Le couvent des carmélites de Saint-Denis acquiert rapidement une réputation de sévérité. La discipline y est réputée pénible et la vie spirituelle intense. Une dévotion toute particulière y est notamment accordée à la Vierge. Jusqu’en 1770, la vie au monastère se dégrade. Les maigres ressources suffisent à peine à nourrir les trente-trois religieuses qui y habitent.

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Mais l’arrivée de Louise de France, septième fille de Louis XV, redonne à la communauté un nouveau souffle. Grâce à sa dot, de nombreux travaux sont entrepris, dont la construction d’une chapelle annexe.

P. Le Tulzo, Chapelle des carmélites, photographie, Musée d'art et d'histoire de Saint-Denis.
 

© P. Le Tulzo / Musée d’art et d’histoire de Saint-Denis.           

Laurent Guillot (Ecole Française), Le Départ des carmélites de Bruxelles et leur arrivée à Saint-Denis en 1783, 1783, huile sur toile, Musée d’art et d’histoire de Saint-Denis.


© Musée d’art et d’histoire de Saint-Denis.

Au décret de Joseph II, empereur d’Autriche, qui les sommait de rentrer dans le monde, les carmélites des Flandres préférèrent l’exil. Celles-ci sont représentées ici à leur arrivée au couvent de Saint-Denis, le 14 juin 1783.

Elles sont accueillies aux portes du couvent par Madame Louise de France leur ouvrant les bras, accompagnée des autres sœurs. La prieure est magnifiée, présentée en bienfaitrice et en sauveuse. Son appartenance à la noblesse de France est  soulignée tandis que deux sœurs de Flandres se prosternent à genoux devant elle.

On peut apercevoir en arrière-plan l’architecture néo-classique de la chapelle du couvent. Sur un nuage, Sainte-Thérèse d’Avila, figure majeure de l’histoire du Carmel, apparaît en majesté, dans une mise en scène céleste et théâtrale, comme pour soutenir les sœurs après leur périple européen.

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